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Numéro 11/10


Le projet Demos

La musique classique au-delà du clivage socioculturel

Paris, salle Pleyel, 30 juin et 1er juillet 2010 : 450 enfants, de 7 à 12 ans, répartis en 4 orchestres, jouent Bizet, Orff, Chostakovitch, Haydn, Prokofiev, Beethoven ou encore Tchaïkovski sous la direction de Debora Waldman et Zahia Ziouani. Ce qu’il faut savoir, c’est que ces jeunes, avant janvier 2010, n’avaient pas de pratique musicale et instrumentale...

NICOLE COPPEY

Ces jeunes composent l’Orchestre Demos («peuple» en grec, mais aussi acronyme de «Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale») mis en œuvre à Paris en 2010, à l’initiative du Conseil de la création artistique avec le soutien du Secrétariat d’Etat chargé de la  Politique de la Ville (Acsé). Ce projet, coordonné par l’Association de prévention du site de la Villette (APSV), a permis à ces jeunes de se familiariser avec le monde musical et orchestral, encadrés de pédagogues et de musiciens professionnels (66 en tout), issus de l’Orchestre de Paris, de l’Orchestre Symphonique Divertimento (en résidence artistique dans la ville de Stains) et de conservatoires. L’encadrement des groupes est complété par des aniLe projet Demosmateurs et des éducateurs sociaux.

 

 

 

 

 

Le regard attentif et bienveillant de Florent Renard-Payen avec des enfants du projet.   

Photo: Anne-Céline Nunes

 

L’expérimentation, conduite jusqu’en juillet 2012, bénéficie également du concours pédagogique de la Cité de la Musique de Paris, établissement public placé sous la tutelle du Ministère français de la Culture et de la Communication.
Objectif du projet: faire tomber les barrières socioculturelles qui entourent la musique classique en confrontant des enfants de tous milieux sociaux à cette activité généralement perçue comme inaccessible. Un dispositif à la fois ouvert et structuré a ainsi été constitué pour former et accompagner des groupes d’une quinzaine de participants. Des enfants provenant de trente lieux différents de «zones urbaines sensibles» (ZUS) ont été invités à prendre part au projet. Chacun d’entre eux a reçu un instrument en prêt (cordes, bois, cuivres), pour un travail musical à un rythme très soutenu faisant appel à la rigueur et à la concentration. Le répertoire a été spécialement choisi et arrangé pour le projet.
Ce type de concept trouve ses pendants à l’échelle internationale : le Brésil, l’Allemagne, l’Ecosse, l’Angleterre et bien sûr le Venezuela avec son projet «El Sistema» contribuent à ce rayonnement. Un point important du concept français se manifeste, au-delà de l’émulation créée dans les groupes de travail, par l’intégration d’experts du champ social, de sociologues, de responsables pédagogiques et autres experts pour encadrer fortement le projet.

Projet musical, social et éducatif
Parmi eux, Gilles Delebarre, responsable des ateliers et formations à la Cité de la Musique et responsable pédagogique du projet Demos. Excellent pédagogue, il nous détaille un peu plus la démarche :
«Le principal objectif du projet Demos est de favoriser auprès de jeunes issus de quartiers populaires l’appropriation d’une culture et de pratiques vers lesquelles leur milieu social ne les conduit pas naturellement.
S’il s’agit de rétablir de l’équité face à la culture musicale classique et savante, l’objectif est aussi de contribuer à redonner à cette musique qui possède un très haut niveau de raffinement une audience populaire méritée.
Enfin, en dehors des considérations esthétiques, la musique joue dans ce projet un rôle éducatif qu’elle possède de manière presque intrinsèque : en rapprochant les individus pour aboutir à un résultat collectif elle favorise la cohésion sociale.
450 jeunes de 7 à 12 ans sont impliqués dans ce projet musical ; ils travaillent par groupe de 15, à raison de deux fois deux heures par semaine en moyenne. Ils sont encadrés par une équipe éducative constituée de deux musiciens et de travailleurs sociaux qui soutiennent les enfants et leurs familles dans ce processus d’apprentissage inédit en France, les séances ayant lieu en dehors de l’école et des conservatoires de musique.
L’originalité de la pédagogie mise en œuvre repose d’abord sur le travail collectif. C’est une approche qui plonge d’emblée les jeunes dans la réalité musicale de l’orchestre. Elle favorise donc l’écoute en confiant à chacun une responsabilité dans le résultat d’ensemble. La technique instrumentale et la lecture, indispensables à la progression d’un jeune musicien, sont abordées également dans ce contexte, ce qui nécessite de la part des musiciens des innovations par rapport à une pédagogie plus traditionnelle. La lecture par exemple est toujours associée aux musiques interprétées par l’orchestre, les enfants lisent ce qu’ils ont appris à jouer d’abord oralement.
Les musiciens sont motivés pour explorer des pratiques éducatives, mais également pour apprendre à travailler à plusieurs en mutualisant leurs compétences, ce qui n’est pas une démarche habituelle en France. La coopération entre des adultes issus de milieux professionnels différents est un atout pour analyser les situations difficiles, pallier les échecs individuels possibles et valoriser les bienfaits de l’apprentissage collectif.
Un tel encadrement est un luxe, mais un luxe nécessaire pour créer de nouvelles manières d’aborder les relations sociales et s’attaquer à l’exclusion sociale. Les premiers éléments d’enquêtes que nous avons confiées à des équipes de chercheurs en sciences humaines sont encourageants quant à l’impact de cette action sur la vie quotidienne des enfants, leurs relations à la musique, à l’apprentissage de savoirs et de techniques, mais aussi leurs relations à l’autre, qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un de leurs pairs.
Faire de la musique, c’est aussi la jouer pour un public et ce projet est régulièrement ponctué par des présentations dans des lieux très différents : les centres sociaux eux-mêmes, pour des présentations aux familles, ou des lieux de concerts comme la salle Pleyel, symbole de la culture musicale classique, à laquelle accédèrent en juin dernier deux mille personnes qui pour beaucoup d’entre elles ne seraient jamais entrées dans ce lieu auparavant.»

Interactivité et émulation entre enseignants
Il est vrai qu’un aspect extrêmement touchant du projet a été de voir des familles de tous milieux sociaux et culturels se retrouver à la Salle Pleyel pour le concert clôturant la première période de travail. Autre point remarquable de ce concept, l’interactivité et l’émulation dégagées entre les musiciens responsables de groupes d’enfants. A titre personnel, j’ai pu le ressentir et l’entendre, en étant appelée à leur transmettre une formation continue sur la pratique de la musique en collectif à travers la pédagogie Orff.
J’ai été particulièrement touchée par les élans de solidarité que le projet Demos, tel que pensé, a pu engendrer. Ce fut un réel bonheur d’entendre des musiciens s’échanger leurs idées sur les moyens de transmission et sur la pédagogie ; de magnifiques instants de concerts, avec des personnes investies corps et âme pour la réussite d’un tel concept !

 

Vous pouvez lire cet article dans la RMS 11 / 2010 p.17

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Zusammenfassung

Das Projekt Demos

In Paris hat der Conseil de la création artistique mit staatlicher Unterstützung im Januar 2010 das Projekt Demos lanciert. Der Name steht sowohl für "Volk" (griechisch) wie auch für Dispositif d'Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale (Musik- und Orchestererziehung mit sozialer Bestimmung). Dabei sollen soziokulturelle Hürden, die Kindern den Zugang zur klassischen Musik erschweren oder verhindern, abgebaut werden. 450 Kinder aus dreissig unterschiedlichen "zones urbaines sensibles" (heikle urbane Zonen) wurden zu diesem Projekt eingeladen.

Jedes hat ein Instrument ausgeliehen bekommen für eine intensive Vorbereitungsarbeit, die Konsequenz und Konzentration erforderte und im Schnitt während zweibal zwei Stunden pro Woche in Gruppen von 15 Kindern stattfand. Als Ergebnis präsentierten sie in einem Konzert in der Salle Pleyel Werke u.a. von Haydn, Beethoven, Prokofiev und Shostakowitsch.

Auch Nicole Coppey von der Schule
"1, 2, 3 Musik..." in Sion war am Projekt beteiligt.


Übersetzung: Philipp Zimmermann