Numéro 11 / 2003
 
 

Nicole Coppey

L’improvisation chez les enfants : la dimension humaine de l’improvisation

S’il fallait remonter aux sources de l’improvisation pour en découvrir ses caractéristiques, il serait très enrichissant de faire une escale au pays de l’enfance, puisque l’essence même de cette pratique réside dans un environnement de découverte, de fraîcheur et de spontanéité, environnement propre à l’enfant et tourné vers le devenir.
Pour improviser, il faut avoir assimilé des acquis de richesses diverses et pouvoir les réexprimer. Sur ce point, le travail en pédagogie musicale s’attache à transformer les concepts en formes simples et assimilables que l’enfant peut intérioriser, et à assembler ces éléments de diverses manières pour expérimenter l’effet de ces associations. L’imagination, source d’énergie novatrice, retranscrit et transforme les acquis en fonction de la perception du monde ambiant. D’où l’importance accordée en pédagogie à une mise en situation propice à l’épanouissement de l’imaginaire déjà très prolifique de l’enfant. Comme outil de communication, l’improvisation permet à la fois d’entrer en contact avec l’autre, d’en évaluer les effets et de moduler en fonction de ses réactions. Un véritable jeu interactif peut s’installer où l’enfant n’apprend pas seulement à s’exprimer, mais aussi à écouter et à recevoir l’autre tel qu’il est.
En développant l’improvisation chez l’enfant, on cultive l’imagination et l’expression, mettant au jour les potentialités cachées de sa vie intérieure. Cette pédagogie active, pédagogie artistique, développe la personnalité et l’épanouissement de l’enfant avec la musique comme moyen. Il s’agit d’éveiller par la musique encore plus que d’éveiller à la musique.

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Francesco Biamonte

L’improvisation polyphonique sur le plain-chant
Rencontre avec Alexandre Traube

C’est en grande partie à travers le mouvement de recherche d’authenticité en musique ancienne que l’improvisation a repris de l’importance, ces dernières années, dans le domaine des musiques dites "classiques". Dans ce contexte, le renouveau des musiques médiévales a ainsi conduit certains interprètes à se questionner sur la part du non-écrit, ou à la possibilité pour les exécutants d’improviser — et ce notamment autour du plain-chant et de ses mélodies codifiées.
En suisse romande, un rôle pionnier a été joué par Jean-Yves Haymoz, professeur de contrepoint, d’improvisation et de syntaxe musicale au Centre de Musique Ancienne de Genève (CMA). Le maître a trouvé un élève passionné en la personne d’Alexandre Traube.
Que sait-on réellement de l’improvisation au Moyen-Age ? "Il y a avant tout certains traités, explique Alexandre Traube, et par ailleurs le répertoire». Car des correspondances entre les prescriptions des traités et les pièces notées montrent que le procédé de « composition" est dans une large mesure le même dans le cadre de l’improvisation et dans celui de l’écriture.
Tout commence par le traité de Guido d’Arezzo, au XIe siècle, qui décrit la possibilité pour une deuxième voix non-écrite de partir à l’unisson, puis de descendre à la quarte parallèle, et de terminer à l’unisson. Ce qui implique des degrés intermédiaires, à inventer sur le moment.
Une étape importante est ensuite franchie avec le traité Ad Organum Faciendum, daté du XIIe siècle : la voix organale qui y est décrite est le plus souvent au-dessus du plain-chant. C’est elle désormais que l’on entend le plus. L’exercice se complique dans les techniques ultérieures, qui font apparaître deux à trois voix improvisées en plus du plain-chant, dont certaines en mouvement contraire. Au XVe siècle apparaît une manière nouvelle de construire la polyphonie improvisée : une voix de soprano tient le plain-chant, mais ce plain-chant est réalisé en rythme ternaire (et non plus seulement en valeurs longues). Le ténor chante une quarte en dessous, et la basse une sixte en dessous du soprano. La basse a de plus la possibilité d’effectuer des contretemps. C’est sur ce modèle que Guillaume Dufay compose notamment ses hymnes.

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Jacques Siron

Objectifs de la pratique de l'improvisation dans le cadre de la formation musicale

L’improvisation peut s’intégrer de très nombreuses manières dans l’enseignement : moment dans une leçon individuelle, cours d’ensemble, rencontre avec d’autres disciplines artistiques, stages, etc. L’improvisation est un puissant moyen d’affiner l’écoute et de recevoir la musique. Elle est un des moyens d’apprendre la musique et de développer ses moyens musicaux et peut également servir à s’approprier son instrument ou sa voix. Elle permet d’apprendre à jouer en groupe, d’échanger avec les autres, d’interagir avec ses partenaires.
Dès qu’il y a activité artistique, dès qu’il y a enseignement, il y a évaluation, appréciation, estimation, remarques, extériorisation d’impressions. L’évaluation sert notamment à renforcer la progression. On peut ainsi évaluer une improvisation. Les critères de jugement peuvent être : le respect / non-respect de la consigne ou de la règle ; la valeur musicale (jugement esthétique) ; l’adéquation de l’idée musicale et des moyens mis en œuvre ; le développement des idées, la maîtrise de la forme, la construction du discours ; les interactions des musiciens entre eux ; la créativité individuelle / collective ; etc.
Toutefois, dresser une longue liste de tous les critères possibles risque de la noyer dans des détails fastidieux et peu significatifs, et de passer à côté de l’essentiel : la qualité devrait primer sur la quantité des critères. C’est du côté pratique qu’il y a à inventer. Plusieurs situations d’évaluation sont à expérimenter. L’audition publique semble plus appropriée que la situation classique d’examen devant un jury, sans qu’elle soit à exclure. Les personnes chargées de l’évaluation peuvent être mises au courant du contexte (règles, consignes), ou écouter sans explication préalable.
Il est nécessaire de garder à l’esprit que l’évaluation doit jouer un rôle dynamique, et qu’elle doit contribuer au progrès des élèves et des enseignants. Qu’elle se mette au service de l’épanouissement d’une personnalité musicale.

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